Un peu plus près des étoiles
En revenant à La Paz après notre séjour dans le parc Sajama, nous hésitons sur la suite à donner à notre séjour. Parmi nos objectifs de voyage figurait l'ascension d'un sommet qui nous permette de battre notre précédent record d'altitude qui datait de bientôt deux ans (le Kilimandjaro à 5895 mètres). Evidemment, nous voulions également passer la barre symbolique des 6000 mètres. Et puis il faut bien l'avouer, des amis partis au Népal avaient récemment porté le record de la promo à 6189 mètres alors si on avait pu le leur prendre...
Notre déception de ne pas avoir pu tenter l'ascension du Parinacota ne nous interdit pas d'essayer un autre sommet. Tout près de La Paz se trouve en effet le Huayna Potosi (photo plus bas), probablement un des " plus de 6000 " les plus accessibles du monde. Seulement voilà, cette facilité et sa proximité de La Paz en font aussi une des montagnes les plus fréquentées, surtout au mois d'août. C'est pourquoi nous avions a priori écarté l'idée de le gravir mais puisque le destin et les pieds de Clément sont contre nous, nous décidons de tenter tout de même l'ascension. Après tout, les possibilités de passer facilement 6000 mètres ne sont pas si nombreuses et il serait dommage de ne pas profiter de notre excellente acclimatation et de notre présence dans la région !
Le vendredi 17 août dans l'après-midi, nous partons donc en quête de renseignements sur l'expédition. Dans une des agences, on nous demande à quelle altitude nous avons passé les derniers jours pour évaluer notre acclimatation. Nous expliquons alors que nous revenons de Sajama ainsi que le détail de nos déboires matériels. Nous racontons également que nous préférerions tenter l'ascension du Parinacota mais que l'organiser depuis La Paz revient beaucoup trop cher en raison de l'éloignement géographique du volcan. Le gérant réfléchit un instant puis nous annonce qu'en combinant transports publics et privés (ce que refusaient de faire les autres agences que nous avions consultées), il peut peut-être nous organiser l'expédition pour un prix raisonnable.
Nous revenons le voir un peu plus tard pour obtenir un devis détaillé et si l'ensemble coûte plus cher que le Huayna Potosi, cela devient abordable. Nous n'hésitons pas longtemps et nous acceptons son offre : départ prévu dimanche matin. Juste une question avant de signer, la pointure 45, ça ne pose pas de problème ? Non, c'est bon !
Nous consacrons le temps qui nous reste avant le départ à effectuer les tâches indispensables : défaire les sacs, faire une lessive, refaire les sacs, racheter des vivres de course : de dépit en revenant de Sajama, nous avons mangé toutes nos barres de chocolat prévues pour l'ascension ! Nous procédons également à l'essayage du matériel et à notre grand soulagement, Clément trouve chaussure à son pied. Il n'y a plus qu'à tout ranger :
Nous devons également faire provision d'eau, il n'y en a pas sur les pentes du volcan et il faut donc en monter suffisamment pour deux jours, aussi bien pour boire que pour cuisiner. Nous trouvons aussi le temps d'acheter quelques souvenirs. La Paz est un véritable paradis d'artisanat, nous en profitons donc.
Finalement le samedi soir, nous sommes prêts. Nous laissons un gros sac en dépôt à l'hôtel et pour le reste, nous procédons comme d'habitude à une répartition équitable du paquetage :
Même comme ça, l'expérience montre que Clément marche plus vite !
Seul hic, un gros rhume s'annonce chez Florence, ça n'est vraiment pas le moment !
Le dimanche matin, nous retrouvons Roque, notre guide, à la gare routière avec tout le matériel et de la nourriture pour trois jours. Nous devons prendre un bus à destination d'Arica au Chili et descendre peu avant la frontière. La route " internationale " borde en effet le sud du parc Sajama. De là, un 4x4 nous emmènera au camp de base du Parinacota. Tout cela est très joli en théorie sauf que nous sommes en Bolivie et qu'en conséquence les choses sont loin d'être aussi simples. Il y a en effet ce dimanche une course de voitures du côté d'Oruro, soit bien plus au sud que notre embranchement vers le Chili mais qu'importe, la route est bloquée et pas un bus ne part du terminal. Le temps passe et la situation n'évolue pas. Le bus, prévu pour 6 heures du matin, pourrait finalement partir vers midi selon les informations que nous obtenons vers 8h30.
Le problème c'est que dans ce cas nous arriverions trop tard pour monter au camp de base dans la foulée, il faudrait dormir à Lagunas, le village au bord de la grand route et sans doute perdre une journée. Nous hésitons à différer carrément notre départ quand soudain le bus s'ébranle, nous voilà partis !
Partis mais pas arrivés, notre engin présente quelques problèmes mécaniques, nous nous arrêtons sur la route pour laisser le moteur refroidir et quand nous repartons le bruit n'est pas des plus engageants. Malgré tout, nous arrivons à Lagunas sans encombre, bien contents de ne pas avoir à aller plus loin. Les passagers pour Arica en sont à peine à mi-voyage...
A Lagunas, nous sommes accueillis par le patron de l'auberge restaurant du lieu qui fait également chauffeur de 4x4 et porteur de matériel. Il nous organise efficacement le déjeuner (il est 13 heures) et le transport pour le camp de base où nous arrivons vers 15h30. Une courte marche nous emmène au camp haut à 5100 mètres d'où nous attaquerons le sommet le lendemain. Nous n'avons jamais dormi aussi haut, c'est un premier record qui tombe ! Et puis la vue sur le volcan Pomerape voisin est bien belle...
Nous montons rapidement notre tente et en attendant le dîner nous préparons notre matériel. Petite frayeur en ajustant les crampons, ceux de Clément ne sont pas assez grands pour ses chaussures. La prochaine fois, on lui coupera les pieds avant de partir en voyage. Finalement en bricolant un peu on arrive à adapter les crampons. A part ça, Florence tousse à en cracher ses poumons, espérons que ça ira pendant l'ascension !
Après le dîner nous allons nous coucher. Malgré l'altitude, la nuit est loin d'être aussi froide que nous le redoutions et nous réussissons à dormir, enfin, jusqu'à la sonnerie du réveil à une heure du matin !
Commence alors la transformation en parfait petit bibendum : T-shirt à manches longues, micro-polaire, polaire wind-stopper, veste d'alpinisme, caleçon long, pantalon en polaire, sur-pantalon de montagne, double paire de chaussettes, grosses chaussures, guêtres, gants en polaire, gants imperméables, cagoule, bonnet, écharpe. On n'oublie pas non plus la frontale, les crampons, le piolet et le harnais. Ouf, nous voilà parés. A mi-équipement, nous trouvons le temps d'avaler un " mate de coca ", une infusion de feuilles de coca et de manger un morceau de pain, il faut prendre des forces.
Vers 2h30, nous voilà partis. Il n'y a pas de lune et nous ne pouvons compter que sur la lueur blafarde de notre frontale pour nous éclairer mais le début du parcours est facile. Nous suivons un sentier sablonneux bien tracé et qui ne s'effondre pas trop sous nos pas. Roque imprime un rythme lent mais régulier et nous avançons sans avoir besoin de trop nous arrêter. Nous doublons même pas mal de groupes.
Au bout de deux heures de marche, le sol se fait plus fuyant. Il est constitué de sable mêlé de rochers et cède sous nos pas. Il faut être prudent pour ne pas provoquer d'éboulis et risquer de blesser d'autres personnes en contrebas. Le vent s'est levé et s'il n'est pas excessivement fort, il est tout de même glacial. Quand nous nous arrêtons pour boire ou manger un morceau, nos mains et nos pieds se refroidissent rapidement. A 5h30, le ciel est toujours d'un noir d'encre, pas la moindre soupçon de lueur à l'horizon. Florence se demande même si le soleil n'a pas précisément choisi ce jour pour faire son paresseux et rester couché.
Insensiblement pourtant, il fait un peu moins sombre et le jour se lève enfin. Il faudra attendre une heure de plus pour vraiment voir le soleil et sentir sa chaleur mais c'est bon pour le moral de voir un peu ce qui se passe autour. Le volcan Sajama s'avère vraiment magnifique avec les premières lueurs du jour.
Entre-temps, nous avons atteint la partie neigeuse de la pente et nous avons chaussé les crampons. Il n'y a pas de glacier sur le volcan donc pas de crevasse mais la marche est loin d'être facile. Le vent et les variations de températures ont en effet sculpté la neige en forme de pénitents, de gros blocs pointus qui résistent ou cèdent sous notre poids. Nous sommes obligés de faire de grands et hauts pas pour les enjamber. Notre progression se fait pénible, lente et fatigante.
Assez rapidement après le lever du soleil, Roque nous annonce que l'objectif est en vue et que ce qui nous parait être le sommet à courte distance est effectivement le bord du cratère. Sans nous consulter, nous évaluons tous les deux ce point à environ une heure de marche. En fait, il nous faudra encore 2h30 pour l'atteindre ! Cette dernière montée est interminable, le cratère n'en finit pas de ne pas se rapprocher. Nous avançons en zigzags et quand nous relevons la tête pour estimer notre progression, nous avons l'impression de ne pas avoir bougé depuis la dernière fois.
Finalement, après 7 heures d'ascension, nous voilà au bord du cratère. Nous sommes heureux d'être arrivés et aussi un peu surpris de n'avoir pas du tout ressenti l'altitude au cours de notre montée. Nous avons peut-être le souffle un peu court mais pas une fois nous ne nous sommes arrêtés, la tête renversée en arrière, à la recherche d'air. Pas de mal de crâne non plus, ni d'envie de vomir. L'ascension nous a paru longue et pénible mais pas physiquement difficile.
A cet instant, nous ne réalisons pas toutes ces analyses, nous profitons de l'endroit.
Pour être tout à fait précis, nous ne sommes pas exactement au sommet du volcan. Nous nous trouvons au bord du cratère, à un peu plus de 6330 mètres d'altitude. Nous ne savons pas exactement où se trouve le point le plus haut et ça n'a pas l'air d'être très clair. Pour être sûr de l'atteindre, il faudrait entreprendre le tour du volcan et ça prendrait encore 5 heures donc ça n'est pas envisageable. De toute façon, nous ne gagnerions que 10 mètres environ.
Après une pause photo-grignotage, nous attaquons la descente. La marche sur pénitents s'avère aussi pénible dans ce sens qu'à la montée et la fatigue commence à se faire sentir. De nouveau, la longue pente neigeuse nous semble interminable. Nous rejoignons finalement la région de sable et de pierres et nous ôtons les crampons. Cette partie est extrêmement éprouvante, nous provoquons des éboulis tous les deux pas et nous glissons beaucoup. Si encore nous avions nos chaussures de randonnée, cela irait mais nous sommes toujours chaussés des grosses coques en plastique lourdes et rigides qui dérapent en permanence.
Au bout de 3h30 de descente, nous arrivons enfin au camp où nous avons dormi et nous nous effondrons dans la tente. La journée n'est pas encore finie, il faut à présent se changer, ranger les sacs et démonter la tente. Nous grignotons du bout des lèvres un sandwich préparé par Roque sans savoir si nous avons faim et si notre estomac supportera une nourriture solide.
Une courte marche nous ramène au camp de base où nous retrouvons la voiture et une heure plus tard nous pouvons nous installer dans l'auberge de notre chauffeur à Lagunas. Le confort est sommaire, il n'y a pas de douche mais les lits sont confortables et nous nous allongeons pour une petite sieste. Le dîner ne se fera pas attendre longtemps et nous allons rapidement nous coucher, non sans avoir offert une bière à notre guide et à notre hôte pour célébrer notre succès.
Onze heures de sommeil plus tard, nous émergeons pour un énorme petit-déjeuner au soleil avec en toile de fond notre volcan de la veille. Nous sommes contents d'y être allés mais on est quand même mieux là qu'en haut !
Après ce petit-déjeuner, un bus en provenance du Chili nous ramène à La Paz où nous savourons les délices d'une douche chaude. Nous organisons notre après-midi de manière à nous faire plaisir et à fêter dignement notre " 6000 ". Achat de chocolats fins que nous dégustons devant des boissons chaudes dans un café chic, acquisition d'une bouteille du vin qui passe pour être le meilleur en Bolivie. Ce soir, ce sera dîner arrosé dans la chambre d'hôtel. Voilà en effet deux semaines que nous avions arrêté tout alcool en prévision de notre ascension, il faut bien se rattraper !
Le mercredi 22 août, nous faisons nos adieux à La Paz en nous promenant à nouveau sur les marchés et en profitant du confort des cafés.
Nous avons réservé un vol pour le jeudi matin à destination de Rurrenabaque dans le bassin amazonien. C'est une page de notre voyage qui se tourne. Depuis 3 mois que nous sommes en Amérique du Sud, nous avons passé la majeure partie de notre temps en altitude. Nous aimons beaucoup la randonnée et nous avons adoré les paysages des différentes cordillères que nous avons visitées. Cependant, nous sommes contents de quitter l'altitude et le froid. Nous en avons un peu marre des soirées glaciales, des nuits emmitouflés dans notre sac de couchage, des bonnets et des écharpes !
Désormais, à nous la chaleur, les pluies tropicales, les moustiques et les médicaments anti-palu !
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